1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW
Liberté d'expressionGuinée

En Guinée, un boycott numérique des institutions

Abdoulaye Sadio Diallo
26 janvier 2024

Pour protester contre les restrictions des réseaux sociaux dans le pays, des centaines de personnes se désabonnent des pages Facebook des institutions de l'Etat.

https://p.dw.com/p/4bi29
Uganda | Smartphone Nutzerin in Kampala
Image : ISAAC KASAMANI/AFP/Getty Images

C'est une campagne de protestation digitale qui se déroule en Guinée depuis mercredi 24 janvier. Des centaines de personnes se désabonnent des comptes Facebook des institutions de l'Etat, pour exprimer leur indignation face à une censure qui dure depuis plusieurs mois. Tout est parti d'une publication humoristique d'un internaute sur Facebook, exprimant le rêve de voir les citoyens se désabonner des pages des décideurs d'un village, où les dirigeants dictateurs auraient coupé internet. 

Traduction de l'exaspération des Guinéens face aux restrictions imposées par les militaires depuis le 24 novembre, le post devient alors viral sur les réseaux sociaux et l‘initiative rassemble tout de suite de nombreux soutiens. "Il faut d'abord se désabonner pour permettre à la personne de perdre son audience et ensuite signaler la page", explique sur la DWAissatou, une activiste guinéenne vivant hors du pays. Et de poursuivre : "Nous voyons tout le temps les officiels partager des trucs sur Facebook. Chacun d'entre eux a une page personnelle ou une page sponsorisée, sur laquelle ils communiquent sur leurs activités. Nous ciblons ces pages pour leur faire sentir ce que nous ressentons". 

Et cela fonctionne. En Guinée, mais aussi à l'étranger, la campagne est assez suivie. Le mot d'ordre circule et fait des émules. "J'étais connectée, j'ai vu que la campagne a été lancée pour le désabonnement de plusieurs pages, comme celles de la présidence, de l'ARPT (Autorité de régulation des postes et télécommunications) et du ministère de la Communication", raconte Thérèse, une jeune femme de Conakry. "Sept pages étaient concernées au total. J'ai tout de suite partagé la publication et je me suis déconnectée des pages auxquelles j'étais abonnée."

"Quelles restrictions ?" 

Un mouvement vis-à-vis duquel le gouvernement guinéen fait mine d'être impassible. " Ils ont dit qu'ils vont se désabonner, il n'y a pas de problème", déclare le porte-parole, Ousmane Gaoual Diallo, qui est aussi ministre de l'Economie numérique. "Ils n'ont qu'à capturer le nombre d'abonnés que nous avons sur nos pages et en fin de semaine, ils capturent ce qui reste, puis ils concluent", poursuit-t-il. Quant à savoir quand seront levées les restrictions, le ministre botte en touche. "Mais qui vous a dit qu'il y a avait restriction ?", interroge-t-il.

"La réaction du porte-parole du gouvernement s'inscrit dans la ligne habituelle qu'ils ont toujours eue", commente Alpha Diallo, le président de l'Association des blogueurs de Guinée. Pour lui, cette réaction des autorités traduit un dédain vis-à-vis de l'exaspération de la population. "C'est une volonté de ne pas reconnaitre la réalité. Mais cela montre aussi que les actions d'exaspération que les citoyens sont en train de mener ont un impact et sont visibles."  Des nombreux internautes promettent d'ailleurs d'intensifier la campagne de boycott des pages officielles des autorités guinéennes et d‘en faire le bilan dans les prochains jours.